De la
dignité et de la Hauteur
Par
Christian FREMAUX avocat honoraire et élu local
Je n’ai pas
aimé les polémiques à la suite de l’attentat de NICE du 14 juillet, horreur que
les mots ne peuvent décrire car des victimes porteront dans leur chair des
souffrances à vie, entre les responsables de la municipalité et ceux de l’exécutif, dont la communication et les initiatives n’ont d’ailleurs pas été exemplaires(l’épisode concernant
la demande d’effacement des bandes de
vidéo est curieux?), voire avec l’opposition politique qui a rappelé à
juste titre ses propositions, mais qui
est apparue opportuniste .S’il y a eu des fautes dans l’évaluation des risques il
faut le reconnaitre simplement, mais je crois que personne n’avait imaginé ce
qui s’est passé, et qu’un « niçois » aurait conduit un camion bélier pour faire volontairement le plus de
victimes possible. Que la police nationale et la police municipale s’accusent
mutuellement, ne changera rien aux faits, mais discrédite et l’une et l’autre
en apportant de la confusion au malheur et en ne rassurant aucun français qui
s’estime menacé là où il est, dans son petit village voire son hameau. Les
citoyens plus ou moins déjà sceptiques - à tort car nous avons des services de
grande qualité- sur le pouvoir de l’Etat en matière de lutte antiterroriste,
ont compté les points entre ceux qui mettent en doute la parole de l’ETAT et qui
préfèrent croire leurs élus de
proximité, ou leur camp politique, et
les pouvoirs publics qui ne peuvent supporter que l’on doute de ce qu’ils font.
C’est un raisonnement un peu court jeune homme –comme le disait Cyrano de
bergerac- la vérité n’est pas unique et certaine car en matière de terrorisme
il n’y a pas une règle préétablie et intangible, ce serait trop facile et l’on
n’aurait pas tous ces drames .Ainsi l’assassinat du père jacques HAMEL pendant la messe a été organisé sans
infrastructure, avec un seul couteau et la détermination de deux jeunes qui se
sont fait tuer à la sortie de l’église.
La seule certitude
que nous ayons est que toute polémique fait le jeu de DAECH dit l’ Etat islamique qui prend tout
à son compte et prétend avoir suscité les attentats ; même si ce n’est pas
vrai il s’en glorifie dans sa stratégie
de terreur et toute publicité macabre est bonne à prendre pour lui. Chacun a
bien compris que tout peut arriver, à tout instant, à n’importe quel endroit,
sur une initiative isolée ou préméditée de l’extérieur et que l’on doit agir à titre
préventif plutôt que réagir après que le forfait ait eu lieu.
Il ne s’agit
donc pas de choisir entre le maintien de l’Etat de droit tel qu’il existe- qui serait contre nos
garanties légales, y compris pour les coupables, contre nos lois débattues au
parlement qui respectent les grands principes universels, sous le contrôle des tribunaux et de
l’opinion publique ?- avec des lois faites à la va-vite, qui seraient
exceptionnelles pour répondre à un fait divers, et qui d’exceptionnelles
deviendraient la norme : ce serait une escalade sans fin car personne ne
peut prévoir ce qui va se passer ou sous quelle forme : la loi ne peut
anticiper tous les cas de figure. On peut parfaitement concilier l’Etat de
droit existant et le renforcement de notre législation : puisque nous
sommes en guerre il me parait évident que l’on doit s’adapter aux défis qui
nous menacent et prendre des mesures qui permettent aux professionnels d’agir,
aux juges de sanctionner et au pouvoir exécutif d’anticiper. Le droit n’est pas gravé dans le
marbre et intangible. Déjà tous les jours la jurisprudence de la cour de
cassation , du conseil d’Etat ou du conseil constitutionnel, fait évoluer la
légalité : personne ne s’en offusque. Il est donc possible de légiférer
,pas à jet continu bien sûr et en respectant
nos valeurs pour ne pas tomber dans les travers que l’on reproche à la
barbarie de DAECH, en ayant des débats en droit et non des arguties juridiques,
qui sont dignes de ce que l’on est : des humanistes lucides , courageux,
forts, et pragmatiques .Ce n’est pas une question de droite ou de gauche :
c’est une évidence d’union car dans ce domaine il n’y aura pas un vainqueur
politique. Tout le monde aura contribué pour le succès ou l’échec. Nous sommes tous
collectivement responsables.Pour ma part je l’avoue, -quitte à passer pour un
liberticide ou un ennemi des droits de l’homme- je préfère que l’on
« discrimine » certains, avec des éléments de preuve tangibles,
quelques dizaines ou centaines d’individus sous le contrôle des tribunaux au
profit des millions de victimes potentielles et innocentes. Gouverner c’est
faire preuve d’autorité malgré les
oppositions et choisir entre les
contradictions et deux maux.
J’ai profité
des vacances pour lire la biographie de CLEMENCEAU par M.Michel WINOCK( grand
livre au demeurant ) qui a exercé des responsabilités politiques de la Commune
de Paris en 187O jusque après la fin de la première guerre mondiale. C’était un
farouche républicain garant des valeurs universelles, de celles de gauche aussi, défenseur du capitaine
DREYFUS, mais qui a su devenir le tigre, un ministre de l’intérieur fort,
partisan de l’ordre public, et qui a été artisan de la loi de 1905 sur la
séparation de l’ETAT et des églises. On a combattu le clergé catholique et ses
représentants, pas la religion. Il doit en être actuellement de même avec
l’islam – l’islam salafiste avant
tout-que l’on dénonce à tort et à travers. Le gouvernement agit avec prudence car on ne peut stigmatiser des
français à raison de leur religion. Ce n’est pas seulement avec des lois que l’on règlera le problème .
Il faut expliquer ce qu’est la laïcité qui autorise d’exercer sa religion dans
la sphère privée, mais qui interdit au nom d’une religion d’avoir un régime à
part ou de s’écarter de la règle commune. La laïcité est une liberté et non une entrave. Elle permet d’unir au
lieu de diviser. Elle favorise le rapprochement tout en conservant ses propres croyances. Mais on ne peut rien
exiger qui soit contraire aux valeurs traditionnelles, celles qui ont construites
la France et en ont fait une nation une et indivisible. Pour rappeler un incident de l’été, citons le burkini qui
n’est pas contraire à la loi ni favorable au terrorisme ,il ne faut rien
exagérer, mais qui parait une sorte de provocation et surtout une atteinte à la
dignité de la femme et à nos valeurs qui prônent l’égalité hommes-femmes, la
responsabilité de la gent féminine dans
tous les domaines en particulier dans l’éducation, son accession à tous les
postes les plus prestigieux de la république…
Nous allons
aborder ce que tout le monde attend comme si c’était un spectacle ou un match, à savoir les campagnes
pour la présidentielle et les législatives .Je crains qu’il y ait peu de
retenue et que les anathèmes volent bas, et comme l’avait écrit IBSEN il ne
soit pas possible de regarder la plaine du haut des montagnes où l’air est plus
pur. Attendons pour voir. C’est le Général de Gaulle-« moi ou le
chaos »- qui avait prédit qu’après son départ il n’y aurait pas de vide,
mais plutôt un trop plein. Nous y sommes .Il est impossible à cet instant, de
faire le compte de tous les candidats à une primaire de la gauche, de la
droite, des écologistes ou de ceux qui
sont directement candidats auprès du peuple, conformément à la tradition où
l’élection présidentielle n’est pas l’affaire d’un parti politique, mais la rencontre d’un homme et d’une femme
et du peuple. Imposture bien sûr car comment se passer d’un structure qui
apporte troupes et argent, médias, répercussion de la parole miraculeuse de l’impétrant…Mais
on va nous le dire surtout de la part des candidats sélectionnés qui ont un égo surdimensionné exactement inverse
à leurs chances infimes voire inexistantes d’être élus. Ils auront eu l’impression d’exister, d’avoir
eu leur quart d’heure de gloire, comme
le disait Andy Warhol. Certes nous les électeurs de base, sommes flattés d’être
tant aimés par tous ces candidats désintéressés qui ne veulent que notre
bonheur, qui savent critiquer le passé, même quand ils ont participé aux
gouvernements sortants, et qui ont tous
des idées formidables, innovantes et applicables, selon eux, qu’ils n’ont pu
mettre en place quand ils étaient aux responsabilités en raison de la
mauvaise volonté de leurs camarades et de l’hostilité incompréhensible et de
mauvaise foi de l’opposition qui ne
comprend jamais rien .Beaucoup vont être les apôtres de « faut
qu’on ; y a qu’à ; il suffit de… » et nous expliquer ce qu’il
aurait fallu faire ; que c’est la faute des autres ; qu’il suffit de faire le contraire de ce que
l’on a essayé ; de changer les institutions ; qu’être normal c’est insuffisant ; que
seule l’autorité paie ; que le travail se partage ; qu’il faut
prendre aux riches ; que l’Europe doit être refondée ; que les
migrants sont responsables de nos maux
et pompent nos acquis sociaux ; que la France est aux français( ce
dont on ne doute pas) avec nos traditions et valeurs (ce qui est
vrai !)…La liste est infinie selon l’imagination de nos perles rares .Toutes
les propositions vont être crédibles,
sur le papier.
Il va falloir de la hauteur, dans les arguments
et leur application possible et donc du pragmatisme. Les grandes théories ont
fait la preuve de leurs insuffisances et rigidités : le socialisme et le
libéralisme ; plus ou moins d’Etat ; les libertés ou l’ordre public
face au terrorisme et aux diverses menaces ; l’économie dirigée, co-gérée
, libérée ? Même si certaines politiques sont plus désastreuses que
d’autres. Il va falloir faire du sur-mesure ; annoncer la couleur – pour
que l’on ne crie pas à la trahison ensuite- ; expliquer qu’il faudra peut
être revoir les promesses –qui n’engagent que ceux qui y croient comme le
disait Raymond Barre-en raison des conjonctures, car personne , aucun expert,
ne peut s ‘engager formellement sur un quinquennat voire sur quelques mois
en raison de la situation économique, sociale, environnementale, démographique,
la paix ou les guerres dans l’avenir…A
défaut les populistes, ceux qui parient sur l’échec et s’en repaissent ou les
extrêmes qui veulent tout changer sans en mesurer les conséquences, ceux qui de
toutes façons seront contre tout, et exigent l’impossible, seront entendus et on ne maîtrisera plus rien. Il ne faut
donc pas des votes d’élimination, de résignation : CLEMENCEAU au moment
d’une élection présidentielle à l’époque
faite par les parlementaires aurait dit « je vote pour le plus
bête » pour éliminer des concurrents. Ce n’est pas ce qu’il nous faut.
Nous devons voter pour celui ou celle qui a la plus d’expérience au plus haut
niveau, de réussite, de volonté et de courage sans aucun intérêt personnel.
Je suggère
que l’on ne se contente pas des débats économiques et sociaux ou de la sécurité
qui seront évidemment prioritaires, mais que l’on débatte aussi de nos valeurs,
de la république, de la nation, de la
mission de la France dans le monde, de l’égalité ( plus de régimes
spéciaux) de la redistribution qui ne
pénalise pas ceux qui travaillent et produisent de la richesse, et comment
faire l’union, rassembler tous les citoyens français qui respectent le pacte
républicain avec ses droits et ses devoirs ,l’aide aux moins favorisés, et la
patrie (au sens classique du terme) qui permet à chacun de se dépasser…
Notre classe
politique a du talent , est combative, dans tous les camps , même s’il est de
bon ton de la dénigrer. Une nouvelle génération va venir aux affaires et il
faut lui donner les moyens d’agir efficacement. Les élus, présidentiel ou
parlementaires devront concilier leur éthique de conviction et leur éthique de
responsabilité qui les obligent à avoir des résultats et à privilégier l’intérêt
général, avant leur carrière.
Dignité dans
les débats, de la hauteur dans les propositions, et surtout des solutions de
bon sens pour réussir : c’est ce que je souhaite aux candidats futurs.