La
loi contre le bon sens
Par
Christian Fremaux avocat honoraire
Tous les
jours on est affligé par un évènement qui heurte notre bon sens. C’est un
propriétaire qui est condamné pour avoir forcé un squatteur à partir ou s’être
défendu contre un cambrioleur qui l’attaquait chez lui. Ou un policier qui est
poursuivi pour avoir voulu faire son métier. Ou un mineur migrant illégal qui
semble avoir plus de droits sans interdictions qu’un quidam ordinaire. Chacun a
un exemple. Mais il nous est enjoint par la bien-pensance auréolée de son
humanisme auto-proclamé de ne pas voir ce qui aveugle et de ne pas interpréter
les faits ce qui est le monopole des élites. Les antifas veillent et sont
contre tous les racistes extrêmes qui s’ignorent. Il y a des sens interdits
dans notre République laïque et des droits de l’homme à géométrie variable.
Après M.
Robert Ménard le tonitruant et courageux maire de Béziers qui attend de
comparaitre en correctionnelle pour avoir refusé de marier un individu sous OQTF,
c’est le maire de Chessy qui est sur la sellette. Il a préféré prendre ses
responsabilités ce qui est rare et démissionner avec ses adjoints de ses
fonctions pour n’avoir pas à marier un candidat à des noces mais sous statut
OQTF. Le maire en préparant la cérémonie avait fait une enquête et considéré
que le mariage avait plus pour but d’obtenir des papiers et n’avoir pas à
quitter le territoire que la conclusion de sentiments innocents. Comme c’est
son devoir puisqu’un maire est aussi officier de police judiciaire et doit
faire respecter la loi il avait fait un signalement. Patatras. Le procureur
celui qui défend la légalité et l’intérêt général et se bat contre les délinquants,
a priori sans tergiverser et creuser le cas de conscience lui a ordonné de
prononcer le mariage urbi et orbi sans barguigner. Une OQTF non effective
revêtue du sceau de l’amour est donc opposable à une décision de fait et
juridiquement réfléchie d’un maire. C’est grotesque. Le préfet ayant aussi
refusé la démission de l’édile va- t -on lui envoyer les CRS et traduire ce
supposé délinquant élu sûrement par erreur de ses concitoyens devant la justice
impitoyable. Puisque le maire est aussi le représentant de l’Etat et qu’il doit
obéir à la tutelle sur les collectivités territoriales. Vive les pouvoirs
décentralisés et la prétendue indépendance des élus locaux. C’est encourageant
pour les candidats aux municipales de 2026.Mais que l’Etat balaie d’abord
devant sa porte et démontre qu’il sait appliquer ses propres décisions.
Il est vrai que faire condamner un élu avec
pignon sur rue est facile pour ceux qui n’arrivent pas à faire exécuter une
OQTF. L’actualité nous l’apprend et c’est une des raisons du désamour des
justiciables envers la Justice et les magistrats qui savent interpréter la loi
selon les moments et les circonstances par leur jurisprudence souvent
changeante. Tout est donc toujours possible. Avec une législation mouvante et
figée dans des principes dépassés s’il faut contrer l’opinion populaire. Quant
à l’Etat devenu tigre de papier on déplore sa faiblesse et son impuissance
surtout dans ses fonctions régaliennes. Il n’est plus légitime à donner des
leçons de morale juridiques ou humaines à des élus qui respectent la loi et la
font vivre. Le parlementaire n’est pas sur le terrain.
En cas de
conflit de lois ou d’émotions contradictoires donnera -t -on désormais raison
au délinquant pour ne pas blesser sa sensibilité et ne pas le choquer ? Ce
serait le monde renversé ! La tranquillité publique n’est -elle pas remise en
cause par les représentants de l’Etat qui obligent un élu en l’humiliant à
accomplir un acte officiel qui crée des droits. Mais qui est aberrant et
contraire au simple bon sens. Pendant la cérémonie le maire lit les articles du
code civil qui concernent les obligations du mariage. Dont celle préalable
d’avoir un domicile régulier et des revenus suffisants pour entretenir une famille.
Donc être stable sur place. Un individu frappé d’OQTF doit être plié de rire
dans son for intérieur en entendant cela, lui qui se moque de la loi. Le maire
est dévalorisé et n’est pas maitre chez lui. On vient de voter le statut de
l’élu local : quels vrais pouvoirs d’agir lui a-t-on donné ? Sera -t- il bridé
par le Léviathan bureaucratique qui craint la fermeté et qui fait du sentiment
une liberté essentielle molle ?
Comme pour la
liberté et l’égalité, la fraternité est devenue un principe constitutionnel.
Faut -il constitutionnaliser l’amour car c’est l’argument choisi par les
autorités pour contraindre un élu à marier un individu délinquant qui ne
devrait plus être présent sur notre territoire. Y aura-t-il bientôt une
jurisprudence Roméo sous OQTF et Juliette contre Etat Français et M. le maire ?
Qui peut dire par avance que telle loi n’est pas conforme à la
Constitution ? Même pas quand M. Fabius qui présidait le conseil avait
décrété seul dans son coin qu’un référendum sur l’immigration serait non
constitutionnel. Il y a eu un projet de loi permettant à un maire de ne pas
marier un candidat sous OQTF. Le Sénat l’a voté. Les députés ont reculé en
prétextant que ce serait une mesure anticonstitutionnelle. Quel courage ont ces
spécialistes du droit constitutionnel que l’on entend à l’assemblée débattre de
projets farfelus et sûrement liberticides et injustes, selon moi. Rien n’est
acquis d’avance sinon ce ne serait pas la peine de faire des procès et les
avocats qui soutiennent la vérité de leurs clients comme les magistrats qui ont
un pouvoir d’appréciation seraient au chômage. On peut avoir une bonne surprise
du côté des 9 sages du Conseil Constitutionnel qui ne sont ni sourds ni
aveugles et des êtres pensants. Et il
faut envoyer un signal fort à tous les délinquants que la loi soit en retard ou
non. Un maire présumé innocent ne sera pas condamné automatiquement quel que
soit l’avis du procureur. Même dans notre pays romantique l’amour n’est pas
encore devenu une liberté fondamentale. Les juges européens vont peut- être le
décider à travers une atteinte à la vie privée ou autre argument évanescent. En
revanche existe en France la liberté fondamentale de protéger l’ordre public et
de faire en sorte qu’un délinquant n’ait pas plus de droits sinon de
considération qu’un citoyen qui se comporte bien. En cas de conflit je choisis
le maire et pas celui qui n’a pas respecté la loi.
L’état de
droit en l’espèce n’est pas en cause. C’est la loi qui doit être changée. Ainsi
que l’état d’esprit de la Nation qui ne peut dépendre de quelques individus
dits éclairés. Une liberté individuelle comme celle de vouloir se marier ne
peut entrainer un préjudice à la collectivité qui n’est pas la somme des
intérêts particuliers. Et indigner les citoyens. René Descartes a écrit
que « le bon sens est la chose du monde la plus partagée car chacun
pense en être (si) bien pourvu ». Personnellement j’en doute, donc je
suis.