vendredi 21 août 2020

liberté et loi


                                     Liberté et loi.
        Billet d’humeur par Christian Fremaux avocat honoraire.
Je rentre de vacances en France l’esprit ramolli (comme d’habitude diront ceux qui ne m’aiment pas) par la canicule mais ayant subi les « nouvelles » chaque jour qui me font craindre le pire pour la rentrée. Je n’en peux plus d’entendre parler du covid, et de supporter la cacophonie des médecins non crédibles puisqu’il y a autant d’opinions que de spécialistes. Quand on ne sait rien de certain et vérifiable on se tait et on prône des précautions c’est tout et c’est simple. On a compris qu’il allait falloir vivre avec le virus : il faut s’organiser en conséquence. On ne va pas recommencer à se calfeutrer et mourir d’inanition économique. Il faut faire confiance aux français qui sont responsables et imaginatifs puisque l’on sait que l’Etat providence ne peut pas tout. L’Etat est fait pour prévoir les catastrophes et remédier du mieux possible, coordonner et fournir les moyens et le moral. Ce n’est pas en condamnant pénalement des personnalités que le virus va disparaitre .Et la recréation d’un haut -commissariat au plan qui rappelle des années disparues et un raisonnement étatique quelque peu daté, ne contribuera pas  à court ou moyen terme  à éradiquer le mal : pourvu que l’excellent M.Bayrou pressenti pour le diriger (bien qu’il ait dû démissionner du ministère de la justice pour des faits liés au financement de son parti politique toujours à l’instruction  ,comprenne qui pourra) soit assez perspicace pour trouver des solutions efficaces qui réconcilient les français. Par ailleurs toujours audacieux avec un sens pratique, les enseignants ont voulu reporter la rentrée, jusqu’à la saint- glinglin ou l’arrivée d’un hypothétique vaccin ? Ce fut non.  Le chômage est annoncé devoir être terrible : chacun s’y prépare sans savoir quoi exactement. Des prétendus responsables rêvent à la convergence des luttes et des dates de grèves ou de défilés -forcément par de bons enfants pacifiques dont on connait les tristes pratiques-sont déjà fixées puisque le président a annoncé de l’argent coûte que coûte : l’Europe paiera , les pays du nord radins aussi, bravo.  Les exigences de toutes natures vont aider alors que l’on a besoin d’union, de consensus et d’efforts en commun !
Au secours maman, j’ai peur. Et les interpellations et exclamations continuent, il n’y a pas de crise à ce sujet.  Abordons d’autres thèmes où on se cache derrière la liberté. 
Nous sommes dans une époque où chacun est prompt à vouloir saisir la justice pour tous motifs qu’ils soient de diffamation ou injure, d’atteinte à son égo souvent, où pour dénoncer des faits souvent très anciens voire prescrits mais qui indignent dans la tendance actuelle, qui touchent à la morale, et qui ne sont plus admis dans l’indignation générale pour tous sujets. Car tout est devenu grave y compris le secondaire. On ne relativise plus : on affirme et on cloue aux poteaux des condamnés.  J’ai relevé pendant les mois d’été quelques nouveautés qui ne font pas l’unanimité et sapent ce qui faisait notre joie ou notre sérénité.
Le cas des animaux maltraités en fait partie à juste titre, mais je préfèrerai que l’on s’occupe des humains qui souffrent  et qui sont pauvres ou ignorés par la société,  ou  celui de la nature outragée aussi souvent par les citoyens qui ont un comportement personnel inadmissible– avant de vouloir sauver la planète- Il n’y a jamais  aucun débat contradictoire  pour apporter des preuves et la présomption d’innocence se transforme en un soupçon généralisé où il faut croire sur parole le ou la plaignante , et ceux qui font passer l’émotion d’abord comme des porteurs de vérité. Les ayatollahs de la pensée sont légion surtout dans l’anonymat des réseaux sociaux et circulent plus de fake- news que de réalités vérifiées. L’essentiel est dans le buzz et la caricature et cela commence à fatiguer.
Chacun peut être concerné ce qui ne rassure pas et personnellement je passe mon temps à revoir ce que j’ai fait depuis la maternelle, car il est possible que j’aie fauté sans même m’en rendre compte. Je suis né blanc en outre, du genre masculin même si le genre ne veut plus rien dire selon les élites éclairées, sans religion affirmée ce qui est suspect aux yeux des croyants. Je paie depuis des dizaines d’années taxes et impôts, et vit du fruit de mon travail ce qui est un privilège inouï je l’avoue en baissant la tête ; et sans demander aides ou subventions sociales ce qui est louche. On me répondra que je suis certainement « riche » par rapport à ceux qui n’ont rien et je ne le nie pas sauf pour modérer cette affirmation, mais sans m’excuser puisque je n’ai pas spéculé : j’ai accompli ma tâche.  Je suis auxiliaire de justice ce qui me rend partisan puisque la justice n’est pas indépendante, surtout pour les autres on le sait : on aime la justice qui protège le faible entendu comme le délinquant qui a des excuses sociales, sociologiques ou familiales ( il  n’a pas eu son goûter car ses parents ne parlent pas français ou ne connaissent pas leurs droits)  mais surtout qui condamne les puissants , ce qui est une sorte de revanche.  
L’extrême violence quotidienne pour des motifs futiles m’inquiète, plus aucune autorité n’étant supportée. L’intérêt général est une vieille lune et les devoirs collectifs sont devenus ringards. On a vu que pour fêter leur joie après la victoire d’un club de football sur les Champs- Elysées il y a eu de la casse et l’attaque d’un car de police. Le bonheur veut donc dire violence. La frustration aussi, et les manifestations encore plus.  Les jeunes, euphémisme qui évite de stigmatiser parait-il, ne supportent pas de porter un masque ou de se confiner un minimum pour protéger les autres. On agresse pour se défouler y compris une infirmière ou un conducteur de bus : l’un d’entre eux en légitime défense a passé à juste titre une bonne correction à celui qui le frappait. On n’est pas obligé de tendre l’autre joue ou de se mettre à genoux : la séquence a été vite supprimée des réseaux sociaux par les modérateurs officiels. Je n’adhère pas automatiquement au progressisme échevelé ou aux oukases de la bien- pensance. Il me semble qu’on n’a pas l’interdiction- mais cela peut changer avec les minuscules groupes de pression- de ne pas aimer tel ou tel, ou de ne pas être d’accord avec ceux qui professent des  imbécillités, ne connaissent pas l’histoire en particulier coloniale avec le contexte de l’époque et les acquis  par le sang de 1789 et n’ont pas compris que la France avait des principes universels et humanistes  qui s’opposent aux communautés, à la discrimination positive , ou à des cultures qui sont le contraire de celles des siècles précédents et qui ont fait notre renommée et notre art de vivre ouvert aux autres s’ils respectent nos lois et coutumes.   Je mérite donc au moins un procès pour m’apprendre à vivre et à accepter n’importe quoi comme si une nation se réduisait à offrir toujours plus de droits sans contrepartie, à encourager ce qui la désagrège, à lui faire perdre son identité, et à ne pas supporter que tous les individus fassent ce qui leur plait, y compris par la violence pour s’imposer à la majorité silencieuse.
On aura beau déboulonner toutes les statues qui rendent hommage à des gloires passées – pour y substituer qui ?- on n’arrivera pas à changer l’essentiel : le droit de vivre en tranquillité, sans scandales permanents, sans violences même pour des motifs dits justifiés ce qui se discute, sans remettre en cause toute légitimité y compris élective, en étant fier d’appartenir à un pays en paix, redistributif, accueillant…  Malgré les réformes à faire pour réduire ou supprimer les inégalités et permettre à tous de vivre dans la dignité.  Mais qui peut prétendre construire un monde parfait s’il existe ?. Les oppositions ont parfois raison dans leurs critiques mais que feraient-elles au pouvoir. Mieux ? On n’est pas certain, ce qui n’empêche pas de proposer. Quand on compare avec la majorité des autres pays dans le monde à feu et à sang quand il y a un vrai Etat qui gouverne, on devrait être modeste dans ses revendications, et plus modéré. 
On vit une époque formidable puisqu’au nom de la liberté on interdit celles des autres et on donne mauvaise conscience à tous. Citons quelques exemples non exhaustifs :   on doit manger bio et on peut attaquer physiquement les agriculteurs qui gèrent leurs champs selon leurs compétences et produits adaptés. Mme Pompili ministre a avalé son chapeau en rétablissant courageusement un traitement pour les betteraves, qu’elle avait elle -même interdit ! Il ne faut pas prendre sa voiture diesel ou l’avion mais il est de principe écologique d’ empêcher le tour de France cycliste (qui a réduit ses emplois 2020 de 5000 à 3000 personnes merci pour les chômeurs) qui pollue et oblige des hôtesses à embrasser le vainqueur d’étape : c’est odieux et indigne de la femme ! Il faut supprimer le nucléaire et les emplois qui vont avec au profit des éoliennes en priant pour qu’il y ait du vent. On peut faire ce que l’on veut du corps. Les féministes ont raison par principe pour tout et la moindre de leurs accusations ou demandes est sacrée. Les chasseurs à courre- ou traditionnels dont je suis - sont dans le collimateur comme des bourreaux, y compris ceux qui ne sont pas végans .Il est quasi obligatoire d’utiliser l’écriture inclusive . Les terroristes sont des délinquants comme les autres et il n’est pas question de les surveiller après leur sortie de prison et de leur imposer des peines complémentaires (décision d’été du conseil constitutionnel). Les jeunes ont le droit de se défouler en conduisant avec du H. que l’on veut légaliser dans des rodéos motorisés et la loi qui veut les punir est inapplicable… J’en passe et des plus sévères. La liberté permet tout et interdit tout le reste.
On n’entend quasiment jamais des décisions positives, des solutions pour sortir de la crise, comment éviter la violence, pourquoi protéger le pays de tous ceux qui l’agressent de l’intérieur ou de l’extérieur ; du rôle de nos militaires au sahel qui se battent pour nos libertés ; du sacrifice des pompiers, de la sécurité civile et des soignants (sauf péril avéré), des forces de l’ordre sauf pour des bavures prétendues.  Et d’un espoir sur le plan économique et social c’est le silence radio.  Manifestement le fléau de la balance est bloqué.
C’est pourquoi j’évoque la liberté et la loi. 
J’ai lu pendant mes vacances le livre de Pascal Mbongo chez Balland « écrivains à la barre ». Au 19ème siècle les écrivains comparaissaient devant la cour d’assises (Zola) ou le tribunal correctionnel (Baudelaire, Flaubert, Proudhon, Victor Hugo.. ) souvent pour outrage à la morale religieuse ou à la morale publique, outrage aux bonnes mœurs… et risquaient outre des amendes, de la prison ferme. Les plus illustres avocats prononçaient des plaidoiries très longues souvent déjà écrites pétries de culture grecque ou de citations latines (la loi Toubon exigeant le français n’existait pas !) pour défendre leurs célèbres clients. Ceux- ci avaient le droit de plaider pour eux -mêmes et de justifier leurs oeuvres . On pinaillait sur un mot, sur une expression ou une description, sur une métaphore, on comparait, on raillait, on ergotait, on planait dans les hauteurs, on élevait les débats. Le public applaudissait ou sifflait. Parmi les magistrats du parquet M. l’avocat général Pierre Ernest Pinard (1822-1909) portait l’accusation avec éloquence. Il a requis par exemple contre Flaubert pour Mme Bovary. Victor Hugo avait intenté un procès qui a eu lieu le 19 décembre 1832 à propos de sa pièce « le roi s’amuse » dont les représentations avaient été interdites. Il criait à la censure. Après la plaidoirie magnifique de son avocat Me Odilon Barrot il prit la parole pour affirmer que l’écrivain avait toutes les libertés contre l’arbitraire des appréciations du gouvernement. Il fut débouté.
 Je retiens de lui quelques phrases : d’abord :« sur ce tribunal vous représentez une idée auguste et moi à cette barre j’en représente une autre. Sur votre siège il y a la justice, sur le mien il y a la liberté». Puis : « la justice et la liberté sont faites pour s’entendre. La liberté est juste et la justice est libre ». Enfin : « qui a le droit a la force et qui a la force dédaigne la violence ! il n’y a pas de droit au-dessus du droit » …
N’est pas Me Hugo avocat d’un jour qui veut.  De nos jours les plaidoiries sont moins flamboyantes sauf exceptions par un ténor du barreau et … plus courtes. Mais les paroles de l’écrivain sont d’actualité.
On peut tout dire et être ferme sans menacer ou invectiver, ou être discourtois ou violent. La vie en société surtout quand elle est en crise de nerfs impose de la distinction et de la retenue. Dans une démocratie le dialogue seul est fécond. On ne peut progresser collectivement qu’en respectant la liberté des autres, celle de la majorité silencieuse. Et la loi même si elle ne nous parait pas excellente car on peut toujours l’améliorer.  Les plus excités n’ont pas forcément raison et en réclamant la justice pour une cause, celle-ci n’est pas forcément juste. Attaquons la rentrée qui va être difficile en prenant de bonnes résolutions surtout celle de se calmer et de coopérer dans l’intérêt de tous.