Vers quel monde
post covid-19 allons nous?
Par Christian Fremaux.
Le président
de la république a annoncé un avant et un après virus donc un changement de
société qui signifie que ce qui existait et fonctionnait malgré ses défauts il
y a trois mois, a failli et doit être remplacé. Par quoi c’est toute la
question. Qu’a voulu dire le chef de l’Etat ? Est- ce possible, est -ce
réclamé et par qui, est -ce prioritaire ? Ne serait-il pas préférable
de faire redémarrer tout, monter en pleine puissance, puis réformer ce qui n’a
pas fonctionné ? Faut- il ajouter des bouleversements vers l’inconnu en
cette période déjà anxiogène et dont la crise n’est pas terminée puisqu’on
ne sait pas si le coupable va disparaitre de lui -même et quand et si un vaccin
va être trouvé. Je dois dire que j’ai découvert devant ma télévision qu’il y
avait un nombre très important de professeurs d’infectiologie qui n’étaient pas
d’accord entre eux et je n’évoque que comme pitrerie la pantalonnade des
anciens et des modernes autour du professeur Raoult dont je ne sais s’il est un
génie ou un simple professionnel qui ne croit qu’en lui. Mais comme l’a écrit Paul Valéry « le
vent se lève il faut tenter de vivre » et il va bien falloir
continuer à se bouger quelques soient les effets d’annonce et les chicaneries.
En général
les changements profonds de société interviennent après une crise très
grave : révolutions, guerres, krach financier, crise pétrolière ou
naturelle enfin quand tout a été mal, quand les hommes ne supportent plus ce
qui s’est passé surtout s’ils en sont responsables, qu’ils veulent effacer le
passé en croyant qu’ainsi on oubliera, et qu’il faut reconstruire avec du
neuf, innover pour penser que le futur sera plus radieux. Parfois cela
marche : parfois on retombe dans les mêmes ornières ; parfois on ne
fait pas mieux. Le progrès est d’acception personnelle : chacun y croit en
fonction de ses intérêts et critères et de ses espoirs en se projetant dans la
société qui lui convient et répond à ses besoins. Un peu d’égoïsme ne nuit
pas !
Qu’en est
-il actuellement ? Nous ne sommes pas encore sortis de la crise sanitaire.
Nous essayons de rétablir la vie démocratique avec le 2ème tour des
élections municipales. Nous rouvrons progressivement les écoles, les usines,
les commerces puis les restaurants, les spectacles et la nature avec les parcs
et jardins et les plages. Tous les jours le décompte macabre des hospitalisés
égrène de tristes réalités mais entraine des attentes positives qui nous
réjouissent. Les applaudissements pour ceux qui étaient au front s’estompent.
La vie ordinaire reprend. La justice règlera des comptes et fixera les
responsabilités mais je ne sais pas si c’est l’essentiel ? d’autant plus
que le covid n’a pas d’avocat et il n’est pas cité en justice.
Les
politiques mettent une certaine sourdine à leurs querelles subalternes et on se
moque que le parti du président ait perdu la majorité absolue, qu’il y ait
désormais 10 (dix !) groupes parlementaires à l’assemblée, ce qui
satisfait toutes les ambitions mais ne règle pas les problèmes fondamentaux et
vitaux de la société et des français. Nous
n’avons pas encore fait le bilan de ce qui n’a pas marché, des défaillances des
structures étatiques et bureaucratiques, du manque de coordination entre le public
et le privé. Nous allons subir-mais le pire n’est jamais certain -les effets
collatéraux du confinement à savoir des difficultés économiques et sociales,
que j’espère les plus limitées possibles. On a appris que le prix à payer des
centaines de milliards d’euros n’avait pas de limites, car c’est l’union
européenne qui empruntera et redistribuera. On voit concrètement l’utilité de ce machin
comme aurait dit le général de Gaulle !
Vers quelle
société le président veut- il nous entrainer, de sa propre volonté et sans
consultation du peuple pour l’instant. Doit- il céder aux injonctions de
la pensée dominante, de la bien- pensance, des minorités qui croient avoir la
vérité révélée, des experts qui se sont plantés, des humanistes ou soi- disant
tels qui confondent émotion et raison ? Sur quelles nouvelles valeurs va-t-on fonder
cette société nouvelle ? Celles de la république qui étaient universelles
comme liberté, égalité fraternité et j’ajoute laïcité ont besoin d’être
revisitées, expliquées voire relativisées dans certains cas, car on favorise
les droits et on néglige les devoirs. Le civisme doit être développé, et la
responsabilité étendue à tous les niveaux. L’Etat ne peut tout faire et gérer
tout du haut de l’olympe. Il doit être garant de l’état de droit, de la
solidarité, de la redistribution après création de richesses, et de la
protection en matière de menaces de toute nature, et de sécurité. En n’assurant
que des fonctions régaliennes, l’Etat sera plus fort et plus efficace.
Il ne
faut pas jeter le bébé qui a grandi pendant les trente glorieuses et a apporté
des satisfactions avec l’eau du bain. Tout dans le monde d’avant n’était pas
négatif. On doit garder ce qui a permis la prospérité même s’il y a des
inégalités à résorber voire des discriminations à éliminer. On doit ressouder
les citoyens autour de la nation qui ne doit pas se replier sur elle- même au risque
de dépérir ou d’éclater en communautés ou en séparatisme. Les maires ont montré leur disponibilité et
efficacité sur le terrain, tandis que l’on se perdait dans les différentes
strates de l’Etat et une bureaucratie tatillonne sinon brouillonne. Le principe
constitutionnel de précaution est devenu celui de ne pas agir, de peur
d’être poursuivi en cas d’action ratée .On peut d’ailleurs l’être aussi en
ne faisant rien de concret. On est passé de la frilosité à l’empêchement et à
une société de méfiance envers le particulier comme si celui-ci ne savait pas ce qu’est être responsable de lui et des
autres si on lui fait confiance, et de se prendre en mains s’il on lui met des
moyens locaux à disposition, et je pense aux services publics. J’ajoute qu’avec une information
transparente, réelle et sincère pour des adultes, il n’est pas nécessaire
d’infantiliser le citoyen, d’empiéter outre mesure sur sa vie privée, et
qu’il est capable de « s’empêcher » comme le disait le père
d’Albert Camus pour caractériser l’Homme. On n’évitera pas les débordements et ceux qui
sont rebelles à tout, de la loi à la consigne sanitaire. Personne ne croit en
l’unanimité du bien. Mais on doit essayer pour le plus grand nombre.
Il est
toujours facile de réécrire le passé, et de prétendre que l’on savait ce
qu’il fallait faire. Je ne critique personne, je souhaite que l’on termine
la séquence au mieux et qu’on envisage l’avenir. Je ne suis pas assez averti
pour savoir ce que le président de la république va proposer, quelles
réformes il va abandonner ou modifier, et quelles autres il va choisir. Il
y aura des priorités surtout économiques et sociales, concernant le débat déjà
engagé sur la fin du mois qu’il va falloir coupler autant que faire se
peut avec les préoccupations sur la prétendue fin du monde en laquelle je
ne crois pas, car l’homme/ la femme ont toujours su réagir. L’humain est
supérieur à la matière voire à la nature qu’il faut protéger et il y a
assez d’intelligence collective pour trouver les solutions et faire que les
générations futures ne soient pas lésées. Certes il y aura une remise en ordre
sévère à commencer, à conforter les valeurs (immatérielles) qui ont fait leurs
preuves, expliquer ce qu’est une république et un destin commun, et que la
démocratie s’entretient car elle est fragile. Nous reviendrons forcément à
l’état d’antan sur nos libertés individuelles et publiques, mais nous les
compléterons avec les devoirs collectifs, et le sens de la tolérance et de
la mesure, sans polémiques inutiles, et avec des médias qui mettent plus
l’accent sur le positif et ce qui portent sens.
La cité
idéale n’existe pas et le siècle de Périclès est révolu. Les grandes généralités généreuses et
compassionnelles voire humanitaires et dites écologiques comme « tout
le monde il est beau il est gentil et il y a des méchants
profiteurs » ne sont prises au sérieux que par ceux qui n’exercent aucune
responsabilité mais vivent dans un milieu plutôt favorisé. Gouverner c’est
essayer de définir La solution qui marche et qui est acceptée. Le plus fréquent
c’est de décider entre des solutions généralement les moins mauvaises ou
contradictoires et que l’on souhaite performantes mais toutes autant légitimes.
Il faut pencher vers les plus consensuelles après avoir dialogué et
convaincu.
Changer de
constitution et envoyer des responsables devant les tribunaux ne me parait pas
l’urgence. Rendre la société plus souple et plus réactive me
semble préférable. John Irving a écrit « le monde selon
Garp » qui était la vision mi- loufoque mi -sérieuse mais vérifiable sur
le terrain d’un individu lambda sur toutes sortes de relations entre les
humains, dans la vie tout simplement. On a des surprises sur les gens. N’attendons pas le monde d’après qui peut ne
jamais survenir. Améliorons l’existant,
en éliminant ce qui a raté indiscutablement. Soyons à la fois progressiste je
veux dire audacieux et conservateur et surtout modeste car le grand soir d’une société juste et parfaite n’est pas pour demain. Dans une société matérialiste
qui doit apporter sécurité et 0 risque, libertés et bonheur, vivons en
humaniste lucide puisque l’homme/la femme est la seule querelle qui vaille a
écrit jean Bodin. Tout le reste n’est que bavardage.
Et comme on
le réclamait en mai 68 : soyons réaliste demandons l’impossible, c’est -à
-dire une société plus fraternelle, plus soudée, plus attachée aux valeurs qui
permettent de se rattacher à l’espérance et à se dépasser. C’est un changement
de paradigme pour le moins.